Née en 1956, la Revue Française du Marketing est la plus ancienne revue de marketing de langue française. Lancée par l’Adetem, sa vocation est de contribuer à faire connaitre les techniques et les pratiques marketing les plus innovantes en France et dans les pays francophones, aussi bien auprès des communautés académiques, étudiantes et professionnelles. Après deux années présentées comme des années de transition, la Revue se réorganise avec, fin juin dernier, la nomination à la tête de sa rédaction de Philippe Jourdan, qui s’est prêté au jeu de nos questions (…)
Philippe Jourdan, vous êtes un homme bien connu de l’univers des études marketing. Pourriez-vous néanmoins nous donner en quelques lignes le résumé de votre parcours professionnel ?
Bien sûr. Je suis diplômé d’HEC, et professeur des universités en gestion. J’ai exercé des premières responsabilités chez l’annonceur, chez Schneider Electric. Après avoir été directeur d’études chez GfK, j’ai crée en 2000 un institut d’études marketing, Panel On The Web. Et en 2008, j’ai fondé Promise Inc., qui est un groupe composé de sociétés d’études, de conseil et de recherche marketing on et offline, et dont la vocation est de rayonner à l’international.
Vous avez donc un double profil, d’universitaire et de professionnel du marketing. J’imagine que ce n’est pas tout à fait neutre dans cette nouvelle fonction de rédacteur en chef de la revue RFM…
Sans doute… Il est clair qu’il y un enjeu majeur à faire s’estomper les « barrières » qui existent parfois entre le monde universitaire et les professionnels. Il faut vraiment que l’on exploite le formidable potentiel de la recherche universitaire d’un côté, qui s’inscrit dans les standards académiques, et de l’autre côté l’univers des professionnels, qui a une exigence d’utilité, parfois un peu immédiate. Ces deux logiques font sens et doivent s’additionner.
Quelles sont les priorités pour la Revue Française du Marketing ?
Les priorités vont à la ligne éditoriale. La vocation de la revue est de s’adresser à un public relativement large : des praticiens du marketing, des enseignants, des futurs praticiens ou enseignants. Elle doit leur apporter une information écrite en langue française de très grande qualité sur les pratiques et méthodes en marketing, avec ce positionnement très clair : une double légitimité académique ET professionnelle.
Il faut aussi que la revue publie plus d’articles, en s’ouvrant plus massivement à la grande communauté francophone, et en sollicitant peut-être davantage les écoles de gestion.
Enfin, et cela va de pair, il faut que l’on parvienne à intégrer les standards internationaux les plus élevés en matière de publication scientifique. Concrètement, nous visons l’intégration de la grille des revues de publications scientifiques dans la catégorie «Sciences de Gestion» agréées par l’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) et le CNRS (Centre National de Recherche Scientifique).
Sur quoi pensez-vous vous appuyer pour atteindre ces objectifs ?
Nous avons mis en place un nouveau fonctionnement autour de 3 Comités : un comité d’Orientation, un comité de rédaction et un comité de lecture, le tout permettant d’intégrer cet équilibre entre l’univers académique et le monde des professionnels. Cela se retrouve par exemple avec la présence au comité de rédaction de Germaine Gazano (Directrice Market and Consumer Intelligence chez LVMH Parfums et Cosmétiques) et de Jean-Claude Pacitto (Maître de Conférences à l’université Paris 12 et chercheur à l’IRG). Et bien sûr, nous bénéficions d’un très fort soutien de l’Adetem, ce qui constitue naturellement un atout précieux.
Selon quelle ligne les articles sont-ils retenus ?
Il y a un parti-pris important, qui est celui d’une ligne généraliste, et non spécialiste. Il faut veiller à ce que les publications adressent l’ensemble des enjeux du marketing d’aujourd’hui. Cet impératif se retrouve dans la constitution de notre comité de lecture, qui intègre les différentes compétences du marketing. Et il a trois critères systématiques dans la mécanique de sélection :
– la pertinence du sujet : il doit y avoir un intérêt pour les praticiens, avec une actualité, un enjeu, et la capacité de questionner et de faire évoluer des pratiques admises
– la généralisation : le sujet doit être d’une portée suffisamment large, et les résultats obtenus doivent pouvoir s’appliquer dans un grand nombre de cas ou de situations
– et enfin l’opérationnalité des conclusions : cela est largement la conséquence des deux critères précédents, mais auxquels s’ajoute la volonté manifeste de l’auteur de faciliter l’appropriation de l’approche ou de la méthode dans un contexte professionnel. Il doit y avoir de la pédagogie, mais aussi un exposé clair des limites de la recherche et des précautions à respecter.
Cette question de l’intérêt des sujets pour les professionnels du marketing est très sensible… Comment éviter cet excès d’ésotérisme que l’on constate parfois dans les publications ?
Il peut effectivement y avoir une dérive en ce sens, tout simplement parce qu’il y a au sein de la communauté universitaire un double impératif : publier, et se différencier…
Nous sommes on ne peut plus sensibles à ce point. C’est pour nous une priorité que de promouvoir la recherche et d’encourager des partenariats et des collaborations entre chercheurs et professionnels, avec des publications conjointes. On utilisera tous les moyens possibles pour cela, avec des prix, et l’appui de l’Adetem. Nous nous donnerons également la possibilité de sonder régulièrement les professionnels du marketing pour hiérarchiser leurs besoins et attentes, afin de donner ainsi cet éclairage aux chercheurs. Faire mieux travailler ensemble les chercheurs et les professionnels suppose parfois de lever des freins. Mais nous avons tout à gagner à mieux faire fonctionner cette synergie entre les chercheurs et les professionnels.
En résumé, qu’est ce qui vous fera considérer votre mission comme une réussite dans les 5 ans qui viennent ?
Le plus important est sans doute le retour des professionnels. S’ils retrouvent plus d’intérêt pour la recherche, s’ils sont plus nombreux à exprimer le fait que la Revue leur a apporté de la valeur ajoutée ou matière à réflexion, alors on sera dans les objectifs. Le nombre de publications, outre leur qualité, est également un critère important, avec de meilleurs délais de publication. Enfin étendre le lectorat effectif fait bien sûr partie aussi des objectifs, ce qui suppose de renforcer la visibilité de la RFM.
Cela fait au global un beau challenge, mais un des plus passionnants qui soit !
POUR ACTION