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« Nous assumons pleinement notre posture d’artisans du quali » – Interview de Chantal Maugis (Le Sphinx)

4 Sep. 2025

Interview Chantal Maugis - Directrice Conseil & Etudes Qualitatives Le Sphinx

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Il y a un paradoxe Le Sphinx. Même si elle ne le clame pas sur les toits, cette société est très probablement LE pionnier des solutions DiY pour les études en France, avec une activité Logiciel lancée il y a plus de 40 ans. Mais, avec discrétion là encore, elle est aussi bien présente dans le domaine des études quantitatives et qualitatives – et du conseil – souvent en prolongement de son activité originelle. Avec le parti-pris d’intervenir dans un mode délibérément artisanal, à la fois très ad hoc et opérationnel, y compris pour des entreprises du BtoB et des PME. Chantal Maugis, qui dirige cette entité Quali et Conseil, évoque la philosophie et les méthodes de travail de Le Sphinx.

MRNews : Le Sphinx est un acteur bien connu pour ses logiciels dédiés aux études marketing. Est-il juste de dire qu’il est même le pionnier des solutions d’études « DiY » en France ?

Chantal Maugis (Le Sphinx) : Tout à fait. Le Sphinx a été créé il y a tout juste 40 ans, en 1985, par Jean Moscarola et Yves Baulac, deux universitaires. Leur idée de départ était de développer des logiciels destinés à l’origine à la formation des étudiants aux méthodes d’enquête dans les IUT et les universités. Depuis, la société a connu une forte croissance. Elle compte aujourd’hui 90 collaborateurs, intervient dans des secteurs d’activité très variés, et ses solutions sont utilisées par près de 50 000 utilisateurs. Je précise que l’entreprise est désormais dirigée par Thomas Le Forestier.

Si Le Sphinx est principalement reconnu pour ses logiciels, vous menez aussi des projets d’études quantitatives et qualitatives pour vos clients. Qu’est-ce qui a motivé ce développement ?

L’activité quanti a démarré il y a une quinzaine d’années. Elle est née du constat que certains de nos clients, bien qu’équipés de nos logiciels, manquaient de temps ou de compétences pour les exploiter pleinement. D’autres utilisaient nos solutions pour collecter des données, mais avaient besoin d’un accompagnement pour produire des rapports ou aller plus loin dans l’analyse.

Progressivement, nous avons élargi notre offre, avec une volonté de ne pas nous limiter à une production purement technique, mais d’apporter une réelle valeur ajoutée en matière de réflexion stratégique et de mise en perspective. C’est dans cet esprit que Boris Moscarola et Christelle Migaux m’ont proposé de les accompagner, d’abord en freelance, puis en tant que membre à part entière de l’équipe. Mon parcours en instituts, notamment chez TNS Sofres (devenu Kantar) et Louis Harris – LH2, m’a permis de répondre à cette ambition d’élargir et structurer l’offre d’accompagnement.

Progressivement, nous avons élargi notre offre, avec une volonté de ne pas nous limiter à une production purement technique, mais d’apporter une réelle valeur ajoutée en matière de réflexion stratégique et de mise en perspective.

Vous pilotez aujourd’hui l’activité Quali et Conseil du Sphinx. À partir de votre expérience, comment définiriez-vous la « patte » Sphinx dans les études qualitatives ?

Le mot qui me semble le plus juste est celui de personnalisation — aussi bien dans la relation que nous établissons avec nos interlocuteurs que dans la conduite des études. Nos clients attendent de nous une compréhension fine de leur secteur et de leurs problématiques spécifiques. Nous sommes à l’opposé d’une approche standardisée où l’on plaquerait des modèles préétablis.

Cela suppose une écoute active, de nombreux échanges aux moments clés du projet, et une forte disponibilité. Nous prenons le temps nécessaire pour que les études soient vraiment utiles et bien intégrées dans la réflexion de nos clients. Et cela ne fonctionne que parce que cette approche est pensée dès l’élaboration de nos propositions.

Nous prenons le temps nécessaire pour que les études soient vraiment utiles et bien intégrées dans la réflexion de nos clients. Et cela ne fonctionne que parce que cette approche est pensée dès l’élaboration de nos propositions.

En pratique, comment cette personnalisation se traduit-elle dans le déroulement des projets ?

L’étape de lancement est déterminante. Nous organisons systématiquement une réunion d’au moins une heure avec nos clients, pour leur restituer notre compréhension des attendus de l’étude. C’est un moment précieux pour valider que nous sommes bien alignés sur les objectifs, affiner si besoin certaines priorités, et intégrer les éventuels éléments nouveaux. À cette occasion, nous présentons les grandes lignes du dispositif : les options de recrutement, les choix méthodologiques, les paramètres logistiques, le calendrier prévisionnel…

Mais cette logique d’échange et d’écoute attentive se poursuit tout au long du projet. La formalisation des guides d’entretien ou d’animation est une bonne occasion pour revisiter les objectifs, si nécessaire. Les débriefs qui suivent les focus groups ou les entretiens, tout comme les ateliers ou les brainstorms organisés avec les équipes, permettent de mettre en perspective les résultats et de préparer au mieux leur mise en action. C’est à cette condition que les recommandations peuvent véritablement s’ancrer dans la réalité de l’entreprise, en tenant compte à la fois de ses ambitions… et de ses contraintes.

Y a-t-il des types de problématiques ou de clients pour lesquels Le Sphinx est particulièrement à l’aise ?

Nous accompagnons une grande variété d’acteurs, dans des secteurs très divers. Cela dit, le BtoB est un terrain sur lequel nous sommes particulièrement à l’aise — ce qui est cohérent avec notre approche très personnalisée. Dans cet univers, il est impératif de bien comprendre les spécificités des métiers, des contextes et des organisations. Il faut savoir poser les bonnes questions et être dans une posture d’accompagnement, ce qui correspond parfaitement à notre manière de travailler.

Les PME, elles aussi, apprécient notre façon de faire. Elles n’ont pas toujours, en interne, des experts des études marketing. Et pour elles, une étude représente souvent un investissement significatif : elles ont donc besoin d’un partenaire capable de leur apporter une vraie écoute, de la pédagogie, et des livrables activables. C’est exactement ce que nous visons à proposer.

Et concernant les problématiques traitées ?

Là encore, les sujets sont très variés, mais les études portant sur la satisfaction ou l’expérience client occupent une place importante dans notre activité. Il en va de même pour les études de climat interne. Ces deux types de projets nous amènent à entrer dans l’intimité des organisations — et cela exige une relation très partenariale, fondée sur la confiance.

Certaines études qualitatives que nous menons relèvent presque de l’animation de communautés. Je pense à des projets conduits avec des organismes de formation, auprès de leurs formateurs. Il s’agissait souvent de personnes aux parcours similaires, mais qui ne se connaissaient pas. Les focus groups leur ont permis de partager leurs expériences, de confronter leurs pratiques… et de tisser du lien. Je pense aussi à une étude menée pour un organisme interprofessionnel : là, les participants se connaissaient déjà, et les réunions constituaient un véritable moment de cohésion. Ces projets nous montrent que les études qualitatives peuvent aussi jouer un rôle de catalyseur pour la dynamique collective.

Les sujets (sur lesquels nous intervenons) sont très variés, mais les études portant sur la satisfaction ou l’expérience client occupent une place importante dans notre activité. Il en va de même pour les études de climat interne. Ces deux types de projets nous amènent à entrer dans l’intimité des organisations — et cela exige une relation très partenariale, fondée sur la confiance.

Pour le futur, cette activité « Conseil et Quali » devrait-elle prendre une relative autonomie vis-à-vis de la partie Logicielle ? Comment voyez-vous les choses ?

Je suis convaincue que le métier de qualitativiste ne pourra jamais être remplacé. L’expertise en sciences humaines et en analyse des discours deviendra même de plus en plus précieuse, à mesure que la masse et la diversité des données textuelles augmentent — notamment avec les réseaux sociaux.

Chez Le Sphinx, nous travaillons comme des qualitativistes « classiques », tout en nous appuyant sur nos outils logiciels. Ces derniers demandent du temps pour être bien paramétrés, et leur usage doit rester raisonné. Mais ils constituent une vraie source de valeur ajoutée. Je pense en particulier aux analyses textométriques, comme la production de nuages de mots, qui permettent d’introduire une lecture quantitative au sein même du qualitatif. Il ne serait donc pas pertinent de dissocier notre activité conseil de la dimension logicielle : c’est justement cette articulation qui nous distingue.

Quant à l’avenir, l’IA jouera évidemment un rôle de plus en plus central. Nous avons déjà intégré certaines fonctionnalités, et ce mouvement va naturellement s’amplifier sur l’ensemble de la chaine de production des études.

Un dernier point que vous souhaiteriez ajouter ?

Le fait d’être des qualitativistes dans une entreprise historiquement tournée vers le logiciel nous donne sans doute une perspective particulière. Nous avons un petit côté « geek » — ce qui est assez inhabituel dans notre métier — et une vraie sensibilité aux apports de la technologie.

Cela fait partie de notre culture que de nous interroger en permanence sur la façon dont les outils peuvent enrichir notre travail. Cette posture de veille permanente nous donne de l’agilité, nous pousse à innover. Et cela bénéficie directement à nos clients, notamment parce que cela se conjugue avec notre forte exigence de personnalisation et d’écoute. Le but est toujours le même : leur fournir des éclairages utiles, pour mieux décider et agir.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Chantal Maugis

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