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« L’intelligence marketing augmentée allie expertise humaine et IA » – Interview de Nicolas Hébert, Adrien Blaise et Isabelle Martinez (h2\)

17 Déc. 2025

Interview de Nicolas Hébert, Adrien Blaise et Isabelle Martinez (h2\)

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L’IA permet-elle de faire autrement, ou seulement de faire mieux ce qu’on faisait déjà ? Pour h2\, agence spécialisée dans l’intelligence marketing depuis près de 10 ans, la réponse est claire : l’IA ouvre la voie à des approches et des modes de collaboration jusqu’ici inenvisageables dans les études. Une conviction qui a conduit Nicolas Hébert et son équipe à se repositionner comme agence d’intelligence marketing augmentée. Nicolas Hébert, Adrien Blaise et Isabelle Martinez expliquent ce que change concrètement cette perspective et comment elle se traduit dans leurs méthodes et outils.
[Sur la photo, de gauche à droite : Adrien Blaise, Isabelle Martinez et Nicolas Hébert]

MRNews : h2\ existe depuis près de 10 ans mais reste discret sur le marché. Comment vous présentez-vous aujourd’hui en quelques mots ?

Nicolas Hébert : Nous sommes une équipe soudée d’experts seniors, tous formés aux sciences humaines et rompus aux exigences des études et du conseil. Nous avons passé plusieurs années chez Sorgem International MR où nous nous sommes rencontrés. Notre ADN, c’est l’hybridation : depuis la création de l’agence, nous croisons  conseil et études quali, quanti et sémio pour rendre aussi intelligibles que possible des marchés complexes. Cela nous a naturellement conduits vers l’intelligence artificielle, non par opportunisme technologique, mais pour démultiplier nos capacités d’analyse et en approfondir la portée. Notre approche couvre l’ensemble du cycle de l’intelligence marketing : le diagnostic pour comprendre précisément les cibles et les marchés, la stratégie pour définir les positionnements de marque, et l’activation pour sécuriser les éléments du mix. Nous nous appuyons sur un réseau de partenaires choisis, en France et à l’international, pour leur expertise spécifique. Parmi eux, Esther Flath occupe une place à part d’inspiratrice et de « compagnon de route » de longue date.

Notre approche couvre l’ensemble du cycle de l’intelligence marketing : le diagnostic pour comprendre précisément les cibles et les marchés, la stratégie pour définir les positionnements de marque, et l’activation pour sécuriser les éléments du mix.

Dans un contexte où beaucoup d’acteurs revendiquent l’usage de l’IA, quelle est votre approche spécifique ?

Adrien Blaise : Beaucoup d’acteurs explorent aujourd’hui l’intelligence artificielle dans une logique d’optimisation : ils cherchent à automatiser ou optimiser ce qu’ils faisaient déjà, à produire plus vite ou à moindre coût. C’est une forme d’efficacité, parfois présentée comme de l’innovation, mais ce n’est pas notre approche. Ce qui nous anime, c’est une autre question : qu’est-ce que l’on peut faire aujourd’hui qu’on ne pouvait pas faire hier ? C’est cette recherche et la mise en œuvre de capacités nouvelles qui a guidé nos choix, plus que l’amélioration des processus existants. Nous avons donc fait le pari d’une intégration en profondeur, en développant en interne notre propre architecture : souveraine, collaborative, et pensée spécifiquement pour les métiers du conseil et des études. Ce choix s’appuie sur une conviction forte : pour que la technologie serve vraiment les enjeux, il faut qu’elle soit conçue par et pour ce métier. Chez nous, cette compétence technique est portée de l’intérieur, au cœur de l’équipe, et articulée étroitement à notre pratique quotidienne. Cela change tout. Nous disposons en interne de cette double compétence, c’est ce qui nous a permis de concevoir un écosystème natif, où expertise humaine et intelligence artificielle sont intriquées dès l’origine : nous l’avons appelé DECODia.

Beaucoup d’acteurs explorent aujourd’hui l’intelligence artificielle dans une logique d’optimisation : ils cherchent à automatiser ou optimiser ce qu’ils faisaient déjà, à produire plus vite ou à moindre coût (…). Ce qui nous anime, c’est une autre question : qu’est-ce que l’on peut faire aujourd’hui qu’on ne pouvait pas faire hier ?

Qu’est-ce que cette approche vous permet d’apporter aux entreprises ?

Isabelle Martinez : Notre objectif est que la valeur ajoutée créée par cet écosystème se manifeste tout au long de la chaîne. Mais sans doute elle se déploie plus particulièrement à trois moments clés. 

Le premier est celui de la problématisation, et nous accordons à cette étape essentielle une attention toute particulière. En nous appuyant sur notre expérience mais aussi sur nos capacités IA, cette imbrication nous permet d’angler et ainsi d’orienter la recherche avec une pertinence et donc une efficacité maximales. Ensuite dans la conception même des dispositifs, l’IA nous permet également de pousser la logique d’hybridation à des niveaux qui étaient jusqu’ici inenvisageables. D’une certaine façon, le graal des études consiste à concilier la profondeur qu’apportent les explorations qualitatives avec la « surface » et les volumétries qu’apporte le quanti. Or c’est précisément ce que cet écosystème nous aide à faire, de façon tout à fait enthousiasmante, avec des éclairages plus puissants que jamais. La ressource de l’intelligence artificielle nous donne enfin des moyens précieux dans la collaboration avec nos clients, qui est décisive pour produire cette valeur ajoutée avec eux. C’est la vocation de notre plateforme interne (ARCADE).

D’une certaine façon, le graal des études consiste à concilier la profondeur qu’apportent les explorations qualitatives avec la « surface » et les volumétries qu’apporte le quanti. Or c’est précisément ce que cet écosystème, avec l’IA, nous aide à faire, de façon tout à fait enthousiasmante, avec des éclairages plus puissants que jamais.

Pouvez-vous partager des exemples d’hybridation dans les chantiers menés ?

Isabelle Martinez : J’en citerai deux. D’abord, l’Observatoire des matinales. Chaque jour, nous analysons douze émissions télé-radio du matin, dans la durée : scraping automatique, retranscription, cartographie thématique grâce à la génération systématique de métadonnées, puis analyse des récits et des dynamiques éditoriales au fil du temps. Là où nos clients devaient choisir entre des analyses très larges mais superficielles, ou des études plus fines mais sur des corpus restreints, DECODia nous permet aujourd’hui d’obtenir une lecture en temps réel du paysage médiatique français, et de produire des analyses expertes, évolutives, impossibles à mener manuellement. 

Le second exemple est une analyse sémio appliquée à l’industrie mondiale du parfum. Nous avons constitué une base de 40 000 références, couvrant le luxe, la niche et le mainstream, sur laquelle nous pouvons cartographier à grande échelle les récits, les codes formels, la valorisation des ingrédients et les imaginaires de marque, en générant des métadonnées spécifiques à la sémiologie. Par exemple pour un créateur de fragrances, nous avons récemment pu dresser une cartographie précise des nouveaux territoires de promesses liés à la notion d’intensité, à l’échelle du marché mondial. Dans les deux cas, il s’agit d’analyses très riches, précises, mais associées à d’énormes volumes de données, cette combinaison étant rendue possible par l’usage de l’IA. Je précise que nous avons développé ces innovations en réponse aux besoins spécifiques de nos clients, ces capacités sont bien sûr transférables à d’autres univers.

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Vous avez évoqué des possibilités nouvelles en matière de collaboration avec les clients. Pouvez-vous en dire plus ?

Nicolas Hébert : Elles reposent sur notre nouvelle plateforme : ARCADE, dont la vocation est de nous aider à orchestrer les capacités et méthodes que nous venons d’évoquer, et à les rendre exploitables par nos clients. L’enjeu n’est pas seulement de produire des analyses plus profondes, mais de les livrer dans un environnement qui prolonge leur valeur. ARCADE est structuré en espaces de travail collaboratifs et intelligents, où l’IA n’est pas une simple fonction ajoutée, mais le cœur natif du système. Il permet à nos équipes et à celles de nos clients de collaborer autour des résultats, le tout sur une architecture propriétaire qui garantit une maîtrise et une confidentialité au plus haut niveau. Ce que nous voulons absolument éviter, c’est le livrable « mort ». C’est pourquoi nous proposons des environnements de travail où celui-ci est une étape. Les clients peuvent explorer les résultats que nous avons produits en profondeur, décliner des formats de livrables qui répondent aux besoins de leurs différents publics internes, et poser de nouvelles questions. Cette approche favorise une relation d’accompagnement et de partenariat stratégique avec nos clients, plutôt qu’une logique de fournisseur ponctuel.

Ce que nous voulons absolument éviter, c’est le livrable « mort ». C’est pourquoi nous proposons des environnements de travail où celui-ci est une étape.

Cette forte présence de l’IA dans votre démarche ne risque-t-elle pas de déshumaniser les études ?

Nicolas Hébert : Nous avons la conviction inverse. L’expression « Human in the Loop » est souvent utilisée lorsqu’il est question d’IA. Notre approche va au-delà en ce sens que nous plaçons l’humain au cœur même de la boucle. Je veux dire par là que l’expert n’est pas simplement un superviseur, il est l’architecte qui conçoit, pilote et interprète. L’IA est son instrument, pas son remplaçant. C’est une nouvelle façon de travailler, que nous ancrons dans l’expertise humaine. Mais encore faut-il que les consommateurs eux-mêmes soient réellement et complètement présents. C’est notre philosophie, un de nos partis pris étant d’intégrer systématiquement des cycles d’ancrage humain – entretiens qualitatifs ciblés, mesures quantitatives d’étalonnage – pour calibrer notre système. À l’heure où l’on évoque beaucoup la montée en puissance des données synthétiques, nous réaffirmons que l’intelligence augmentée doit rester connectée au réel, c’est le sens de ce que nous appelons « Consumer in the Loop » (CITL). Par ailleurs, nous inscrivons systématiquement l’accès à notre plateforme ARCADE dans une démarche d’accompagnement (méthodologique notamment) et de partenariat, pour garantir à nos clients l’accès à toute la valeur de notre expertise métier et technologique.

À l’heure où l’on évoque beaucoup la montée en puissance des données synthétiques, nous réaffirmons que l’intelligence augmentée doit rester connectée au réel, c’est le sens de ce que nous appelons « Consumer in the Loop »

Qui sont vos clients ? Et comment vivent-ils cette transformation ?

Nicolas Hébert : Nous ne pouvons bien sûr pas tous les citer, mais nous travaillons par exemple avec Volvo, Firmenich, Club Med et de nombreux acteurs clés des médias. Des clients pilotes travaillent déjà sur les environnements collaboratifs de notre plateforme. L’un d’eux l’utilise pour du positionnement et du scénario planning, sur la base d’un corpus documentaire massif et des assistants IA calibrés spécifiquement pour ses enjeux, à l’inverse des interfaces LLM généralistes ou des outils standard du marché.

Quelle est votre vision du marché des études dans les prochaines années ?

Adrien Blaise : Notre conviction, c’est que l’avenir appartiendra aux acteurs capables de créer cette alchimie entre expertise humaine senior et capacités techniques avancées. Nous ne changeons pas de métier : c’est notre métier qui change, se transforme en profondeur. Mais cette transformation demande bien plus qu’une simple couche technologique : il s’agit de repenser nos pratiques, de les réinventer en fonction de ces nouveaux possibles. C’est aussi cette compétence méthodologique autour de l’IA dont nous faisons bénéficier nos clients. D’ici trois ans, nous souhaitons être reconnus comme une agence d’études et de conseil dotée d’outils exceptionnels, à même d’incarner pleinement notre positionnement. Notre ambition n’est pas de devenir une entreprise technologique, mais de montrer qu’une équipe d’experts, animée par une volonté forte d’’innovation, peut renouveler la pratique et la valeur des études. L’intelligence marketing augmentée allie expertise humaine et IA. Et c’est précisément cela notre terrain de jeu. 


 POUR ACTION 

• Echanger avec les interviewés : @ Nicolas Hébert  @ Isabelle Martinez  @ Adrien Blaise

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