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« La publicité peut jouer un rôle positif dans la société ! » – Interview de Mélanie Berger (Impact Mémoire)

9 Déc. 2024

Mélanie Berger - Impact Mémoire

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Si la place qu’occupe la thématique RSE dans les communications publicitaires reste somme toute modeste aujourd’hui (environ 10% en 2024), celle-ci devrait fortement s’accroître dans les années à venir. D’autant que les Français attendent massivement des marques qu’elles apportent plus de solutions sur ces enjeux. Comment la publicité, de plus en plus exposée à un débat sur son rôle dans la société, pourrait-elle mieux y contribuer ? Quels leviers prioritaires doit-elle actionner pour favoriser l’adoption de comportements plus vertueux ? 
C’est précisément pour répondre à ces questions qu’Impact Mémoire a pris l’initiative de créer un baromètre dédié à l’analyse des communications RSE, en mobilisant les sciences cognitives. Sa Directrice Générale, Mélanie Berger, nous en présente le principe et les points d’éclairage qui s’en dégagent pour les marques.

MRNews : Vous avez créé un baromètre de la communication responsable. Pourquoi cette initiative ? Et en quoi consiste ce dispositif ?

Mélanie Berger (Impact mémoire) : L’idée est née du constat que les enjeux environnementaux et sociétaux sont à l’évidence de plus en plus cruciaux. Et du fait que la publicité est souvent confrontée à un débat — voire à un procès — quant à sa place et son action dans la société. Notre conviction est qu’elle a la possibilité de jouer un rôle positif. Mercedes Erra le dit avec beaucoup plus de force et de justesse que moi quand elle affirme (dans un post LinkedIn il y a quelques jours) « On peut utiliser la pub pour changer le monde ». Chez Impact Mémoire, on y croit vraiment !

Mercedes Erra le dit avec beaucoup plus de force et de justesse que moi quand elle affirme « On peut utiliser la pub pour changer le monde ». Chez Impact Mémoire, on y croit vraiment !

La publicité a une influence sur les perceptions, les attitudes et donc les comportements des gens. Elle a ainsi toute latitude à ce que cette influence soit positive, elle peut être un levier pour générer des gestes plus vertueux en promouvant des récits plus alignés avec les besoins de la société. Un nouveau « modèle » publicitaire est possible, qui n’engagerait pas uniquement les consommateurs, mais les consommateurs-citoyens que nous sommes tous plus ou moins en train de devenir. Il nous a semblé nécessaire d’agir en ce sens avec ce baromètre, pour accompagner les marques à mieux identifier les leviers permettant de renforcer l’efficacité de leurs communications RSE.

Lire aussi > «Il existe de vrais leviers pour optimiser l’efficacité des communications RSE» – Interview de Mélanie Berger (Impact Mémoire)

Nous avions initialement conçu une approche, « Impact positif », dont nous avions eu l’occasion de parler ensemble. Nous le prolongeons désormais avec ce baromètre que nous avons lancé suite à un évènement réalisé avec M6 Publicité, avec qui notre collaboration se poursuit. Il repose sur l’analyse d’un corpus qui comprend maintenant plus de 320 communications, dont 165 pour l’année 2024.

L’idée que la publicité se doit de mobiliser notre société vers une action collective indispensable est une conviction forte d’Impact Mémoire. Mais quelle place ce type de communication a-t-elle réellement dans le discours des marques ?

Les communications RSE ne pèsent encore aujourd’hui qu’un peu plus de 10% du marché publicitaire d’après le BUMP. L’inflation est passée par là depuis deux ans, elle a eu pour effet de déporter le discours des marques vers d’autres thématiques de communication. Mais, en même temps, cela constitue une attente forte des Français. D’après une étude menée par Kantar, 86% d’entre eux considèrent que les marques se doivent d’apporter des solutions aux problématiques environnementales et sociétales. 

Impact Mémoire a un parti-pris singulier pour analyser l’efficacité des publicités, celui de s’appuyer sur les sciences cognitives. Plus précisément, quels sont selon vous les critères, les leviers clés de l’efficacité d’une publicité ? Existent-ils des critères spécifiques dès lors qu’il s’agit de communications RSE ?

Dans le monde de la communication, la subjectivité est très présente, peut-être parfois trop ! Les sciences cognitives sont là pour apporter de l’objectivité. Les recherches scientifiques ont identifié les mécanismes essentiels permettant à une publicité de produire un effet et de générer un souvenir, et ce quel que soit la nature du message. Il faut qu’elle émerge, qu’elle suscite de l’attention. Et que le récepteur comprenne l’histoire pour pouvoir la mémoriser de façon relativement pérenne. Il y a par ailleurs l’enjeu de l’attribution, du lien à la marque. Cette question de comment gérer une trace mémorielle utile à la marque est fondamentale, c’est précisément là-dessus que nous apportons une plus-value grâce aux sciences cognitives, dont les éclairages ont une pertinence pour action qui nous semble inégalable.

Cette question de comment gérer une trace mémorielle utile à la marque est fondamentale, c’est précisément là-dessus que nous apportons une plus-value grâce aux sciences cognitives, dont les éclairages ont une pertinence pour action qui nous semble inégalable.

Pour qu’une communication soit vraiment de nature RSE, il faut bien sûr que ce sujet soit prépondérant. Le tag de fin ne suffit pas ! La créativité et les ingrédients mis en œuvre doivent générer l’attention, la différenciation et l’émotion pour servir le message. Nous l’avons évoqué, elle s’adresse à un destinataire qui est à la fois un consommateur et un citoyen. Elle se doit donc de l’impliquer de sorte à le faire raisonner de façon constructive, ce qui est la clé pour que son comportement évolue.

5 conditions doivent au global être réunies pour qu’une communication RSE soit efficace. C’est cette grille que nous avons utilisée. Avec, dans ce graphique, la performance moyenne des 165 communications 2024 testées.

Qu’est-ce qui fait qu’une communication est plus impliquante qu’une autre ?

Certains drivers sont particulièrement efficaces pour y parvenir, dont l’innovation. C’est une des tendances majeures que nous a permis d’identifier ce baromètre. On attire le spectateur par la surprise, la nouveauté, celle-ci s’associant idéalement à de nouveaux gestes. On le voit dans la communication Saforelle avec son nouveau savon. Ou bien avec le café compostable de CoffeeB. Le fait de pouvoir composter son café après utilisation, c’est l’exemple d’un nouveau geste. Quand on le voit pour la première fois, ça marque. Une image mentale se crée. Et cela vaut pour tous les nouveaux modes de consommation, les nouveaux labels…

Le fait de pouvoir composter son café après utilisation, c’est l’exemple d’un nouveau geste. Quand on le voit pour la première fois, ça marque. Une image mentale se crée. Et cela vaut pour tous les nouveaux modes de consommation, les nouveaux labels…

Une autre tendance qui nous semble intéressante est l’efficacité par l’action. Ces enjeux RSE génèrent de l’anxiété. On demande aux individus de faire des efforts importants, mais en même temps ils subissent beaucoup, et peuvent ressentir une forme d’impuissance. Certaines campagnes parviennent à être efficaces précisément en mettant en scène la possibilité d’agir concrètement. C’est l’exemple de la Matmut, où les personnages sont en quelque sorte des héros du quotidien, parce qu’ils prennent des douches courtes, pratiquent le co-voiturage, se déplacent en vélo. Idem pour les campagnes EDF sur les gestes utiles. Du coup, les gens peuvent facilement s’identifier à eux.

On demande aux individus de faire des efforts importants, mais en même temps ils subissent beaucoup, et peuvent ressentir une forme d’impuissance. Certaines campagnes parviennent à être efficaces précisément en mettant en scène la possibilité d’agir concrètement.

L’humour peut aussi être un vrai ressort d’efficacité. A contrario, il faut éviter les messages qui distillent une forme de jugement moral sur des comportements ou des individus. Cela a de fortes chances de générer des émotions négatives et donc un rejet…

Dans l’analyse que vous produisez, on voit que le bât blesse également sur la notion d’information…

C’est en effet le deuxième grand axe d’optimisation à jouer par les annonceurs. L’idée est de prendre le contre-pied du greenwashing qui se reconnaît entre autres à des messages très génériques. Et de présenter au contraire des informations précises, tangibles, concrètes. C’est paradoxal, mais les marques « natives RSE » passent parfois à côté de cela. Peut-être parce que ces informations peuvent leur sembler évidentes, triviales. Mais en réalité non, les consommateurs ont besoin d’arguments rationnels, et de points d’accroche pour mémoriser les messages.

Les consommateurs ont besoin d’arguments rationnels, et de points d’accroche pour mémoriser les messages.

Des campagnes vous paraissent remarquables de ce point de vue de là ? Ou bien voyez-vous des contre-exemples ?

On peut citer celles de Maison Verte, qui distillent régulièrement beaucoup d’informations factuelles, précises, par exemple pour indiquer le taux de plastique en moins utilisé dans les recharges. Ou bien cette campagne de Philips, qui met en avant les produits, mais délivre aussi un message sociétal fort. En l’occurrence sur la place des pères, en soulignant que 2 mamans sur 3 ont moins de 1h de temps à elles chaque jour, et avec ce claim « share the care ».

Vous avez intégré les médias Print et Radio dans la seconde édition de votre baromètre. Quels rôles jouent-ils en particulier ?

Nous observons des performances très encourageantes sur ces deux médias, avec des approches tout à fait créatives pour ce qui est de l’affichage, et aussi la capacité à communiquer des informations tangibles dans le fil de ce que nous venons d’évoquer.

La radio peut apporter une complémentarité très intéressante, notamment pour travailler ce même levier « information ». Par exemple avec des interviews, des témoignages. Nous avons réalisé récemment une étude pour le Bureau de la Radio, qui met en évidence la faculté de ce média à stimuler les représentations mentales des auditeurs. C’est sans doute un levier qui pourrait être plus exploité encore par les marques.

En savoir plus sur l’étude menée pour le Bureau de la Radio

L’efficacité de ces campagnes RSE a-t-elle fortement évolué d’une année sur l’autre ?

Nous enregistrons un léger progrès, avec + 2 points entre les deux vagues. Sur ce driver dont nous venons de parler, la capacité à informer le public, la performance est même en légère baisse. Alors que c’est un ingrédient essentiel pour convaincre et accompagner la mémorisation des messages. Cela nous semble être le principal levier d’amélioration, avec l’implication qui lui aussi peine à progresser. Les trois quarts des communications RSE testées dans le baromètre n’impliquent pas suffisamment.  Et pourtant ce levier est déterminant pour permettre la projection, qui va être le premier pas avant le passage à l’action. Il est donc prioritaire de travailler l’implication de cette cible double : parler au consommateur-citoyen avec des gestes dans lesquels il peut s’identifier et s’impliquer.

Une dernière question : que proposez-vous à nos lecteurs qui souhaiteraient en savoir plus sur les résultats de ce baromètre ?

Il leur suffit de nous contacter ! Nous pouvons leur partager ou aller encore plus loin en leur proposant des présentations gratuites de ces résultats. C’est une occasion idéale pour échanger sur des cas concrets et poser des questions précises, à la fois pour les spécialistes des études, mais aussi bien sûr pour les équipes de communication des marques.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Mélanie Berger

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