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« L’ambition de GIDE est d’être encore là dans 30 ans, en apportant toujours une vraie valeur ajoutée à nos partenaires » – Interview de Laurent Martin

19 Juin. 2025

Interview de Laurent Martin - Directeur associé de GIDE

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Société discrète mais bien implantée dans l’univers des études marketing, GIDE collabore depuis trois décennies avec un grand nombre d’acteurs, parmi les plus reconnus du secteur.
À l’occasion des 30 ans de la société, Laurent Martin, son Directeur Associé, revient sur les origines et les étapes clés de cette trajectoire… et partage sa vision et les ambitions de GIDE pour les années à venir.

MRNews : GIDE est une société qui fait peu de bruit dans le market research, mais qui travaille néanmoins avec de nombreux acteurs de cet univers, dont les principaux. Comment la présenteriez-vous en quelques mots clés et quelques chiffres ?

Laurent Martin (GIDE) : GIDE est un partenaire à la fois technique et conseil qui intervient sur toute la chaîne des enquêtes, depuis la collecte jusqu’à la restitution en passant par le traitement des données. Nous travaillons autant pour la statistique publique que pour les études marketing ou d’opinion, avec des instituts, des organismes publics et des annonceurs.
 La société compte aujourd’hui 25 collaborateurs et a réalisé en 2024 un chiffre d’affaires de 2,4 M€, ce qui se traduit par des centaines de milliers d’interviews traitées chaque année. Et nous venons de passer le cap des 30 ans d’existence !

Une partie de l’équipe de GIDE pour l’anniversaire des 30 ans

Le nom de GIDE interpelle… Comment est-il né ?

C’est une question que l’on nous pose assez souvent… Je dois préciser qu’il n’a rien à voir avec l’écrivain André Gide, pas plus qu’avec un célèbre cabinet d’avocats qui aimerait bien récupérer un nom de domaine que nous ne céderons certainement pas !
 À l’origine, GIDE est l’acronyme de “Gestion Intégrée de Documents Électroniques”. À l’origine, l’entreprise a été créée pour répondre à des besoins d’automatisation de la production en masse de rapports personnalisés, notamment du Postscript pour l’impression, du PDF ou encore le format Winhelp. Nous utilisions ainsi déjà des formats interactifs proches du HTML, ce qui était assez innovant à l’époque.

À l’origine, l’entreprise a été créée pour répondre à des besoins d’automatisation de la production en masse de rapports personnalisés, notamment du Postscript pour l’impression, du PDF ou encore le format Winhelp. Nous utilisions ainsi déjà des formats interactifs proches du HTML, ce qui était assez innovant à l’époque.

Vous faites partie des fondateurs de GIDE. Qu’est-ce qui en a inspiré la création ? Quels étaient les partis-pris les plus structurants ?

En réalité non, je n’en suis pas fondateur. GIDE a été créée en 1995 par Robert Baldy, qui avait travaillé entre autres dans les sciences sociales et chez Quantime, l’éditeur de Quantum, et Jean-Pierre Moreau, précédemment directeur de l’équipe de traitement de ce qui s’appelait encore la Sofres, et qui est ensuite devenue TNS Sofres puis Kantar. Un petit peu avant de fonder GIDE, Robert avait créé SDA en Angleterre : une société sœur avec laquelle nous continuons de collaborer. De mon côté, j’ai rejoint GIDE en 1997,d’abord comme développeur avant d’évoluer vers des fonctions de management.
 Dès le démarrage de l’entreprise, le fil rouge était l’automatisation. Robert avait fait le constat que les instituts passaient trop de temps sur des tâches manuelles souvent répétées, et à faible valeur ajoutée. L’idée était donc d’automatiser la production des rapports, puis dès 1998, la collecte de données en ligne. Éviter les interventions manuelles, les ressaisies, ne pas faire deux fois la même chose : cette logique structure encore notre travail aujourd’hui.

Robert Baldy avait fait le constat que les instituts passaient trop de temps sur des tâches manuelles souvent répétées, et à faible valeur ajoutée. L’idée était donc d’automatiser la production des rapports, puis dès 1998, la collecte de données en ligne. Éviter les interventions manuelles, les ressaisies, ne pas faire deux fois la même chose : cette logique structure encore notre travail aujourd’hui.

Quelles ont été les étapes clés de l’histoire de la société ?

En 1998, nous avons programmé et mis en ligne le premier questionnaire CAWI de la Sofres. C’était probablement le premier en France, voire en Europe. La décision a été prise sur un coin de table, à l’occasion d’un pot de départ, quand la nouvelle a circulé que Microsoft cherchait à lancer une enquête en ligne sous une semaine. J’étais jeune, je n’avais que 23 ans, j’ai donc hésité… Mais Robert a dit oui tout de suite. A l’époque, nous n’étions même pas sûrs de savoir héberger un site. Mais nous avons immédiatement conçu un système où le questionnaire était décrit de manière structurée, et le HTML généré automatiquement à partir de cette description. La solution était bien plus robuste que celles proposées par les agences Web de l’époque, qui mettaient en ligne des formulaires « bricolés » sans réelle garantie sur la fiabilité des données extraites.

En 1998, nous avons programmé et mis en ligne le premier questionnaire CAWI de la Sofres. C’était probablement le premier en France, voire en Europe.

C’est là que les instituts ont commencé à prendre conscience que réaliser des enquêtes en ligne exigeait un vrai savoir-faire. La Sofres a monté Kantar Interactive, son pôle CAWI, et nous sommes longtemps restés leur prestataire privilégié.

En 2000, au moment de sa création, OpinionWay nous a confié la conception et le développement de l’ensemble de son système d’information : programmation et mise en ligne des questionnaires, solution de focus groups en ligne, front et back-office de gestion de leur panel Newpanel, … C’était une démarche pionnière à l’époque, et cela a vraiment assis notre réputation.

GIDE était ainsi sur les rails pour pouvoir se développer…

Absolument. Tout s’est en effet accéléré, et nous avons connu une forte croissance, tous les grands instituts français, mais aussi quelques annonceurs et des acteurs de la statistique publique, devenant clients. C’est ainsi qu’en 2011, nous avons déménagé sur un grand plateau sur l’Île de Nantes pouvant accueillir toute l’équipe qui s’est rapidement agrandie.

C’est à peu près à ce moment-là que nous avons commencé à développer Scroll, notre framework de production d’enquêtes, que nous continuons à exploiter et à faire évoluer tous les jours.

La société a-t-elle connu d’autres étapes particulièrement importantes ?

En 2020, comme tout le monde, nous avons pris la crise du COVID de plein fouet. Mais cela nous a incités à développer de nouveaux outils qui pourraient être utiles dans ce contexte. Ce qui s’est concrétisé avec CAVIsio, notre solution d’interview en face-face en visioconférence.

En 2021, nous avons entamé une collaboration structurante avec l’Insee, qui a marqué un tournant dans notre positionnement. Alors que nous avions jusque-là une forte orientation marketing, nous sommes devenus un acteur à part entière de la statistique publique. Nous avons travaillé avec leurs équipes informatiques pour intégrer nos questionnaires dans leurs infrastructures. L’objectif était de permettre la diffusion de questionnaires dits « exotiques », avec des fonctionnalités absentes de leurs solutions internes mais disponibles dans notre outil Scroll — comme le doublage audio multilingue, la capture vocale ou l’interaction avec des API. Deux enquêtes majeures ont ainsi été menées par l’Insee en 2024-2025 avec notre technologie. D’une part une étude auprès des personnes sans domicile, en partenariat avec la Drees. Puis une enquête sur les conditions de travail et les risques psychosociaux pour la Dares.

En 2021, nous avons entamé une collaboration structurante avec l’Insee, qui a marqué un tournant dans notre positionnement. Alors que nous avions jusque-là une forte orientation marketing, nous sommes devenus un acteur à part entière de la statistique publique.

Selon-vous, de quoi GIDE peut être la plus fière dans son cheminement depuis sa création ? 

D’abord de l’équipe. Beaucoup sont arrivés jeunes et sont toujours là, ils sont devenus seniors. Nous avons peu de turnover, et certains anciens salariés nous disent aujourd’hui qu’ils reviendraient volontiers ! 
Nous pouvons également être fiers de notre position dans l’écosystème. Nous sommes une PME nantaise, mais nous travaillons avec les plus gros acteurs des études et de la statistique publique. Et surtout, nous ne sommes pas de simples prestataires : nos clients nous considèrent comme de véritables partenaires. Ils nous sollicitent pour les accompagner et réfléchir aux dispositifs, parfois très en amont de leurs projets, notamment quand ils sont complexes ou “atypiques”.

Nous sommes une PME nantaise, mais nous travaillons avec les plus gros acteurs des études et de la statistique publique. Et surtout, nous ne sommes pas de simples prestataires : nos clients nous considèrent comme de véritables partenaires. Ils nous sollicitent pour les accompagner et réfléchir aux dispositifs, parfois très en amont de leurs projets, notamment quand ils sont complexes ou “atypiques”.

Une anecdote… Au début des années 2000, AOL voulait industrialiser ses enquêtes. Bien qu’on ait mis en ligne pour eux plusieurs dizaines de questionnaires, ils doutaient à haute voix de notre capacité à durer en nous disant «Mais que sera GIDE dans 5 ans ?”. Aujourd’hui, AOL n’existe plus. Mais nous, nous sommes toujours là !

Si c’était à refaire, que feriez-vous différemment ?

Sans doute nous essaierions de moins nous laisser déborder par la production. Avec la croissance, nous avons dû répondre à une forte demande, ce qui a pu freiner notre R&D au moins pendant un temps. Nous sommes ainsi passés à côté de certaines technologies, comme les applications mobiles notamment, même si on peut estimer avec le recul que ce n’était pas si crucial. En revanche, nous ne voulons surtout pas rater le virage de l’IA.

Quelle est votre vision des grandes évolutions possibles pour l’industrie à horizon dix ans ?

L’IA va bouleverser beaucoup de choses, dans notre travail de tous les jours et celui de nos clients. Nous l’utilisons déjà pour convertir les réponses ouvertes ou tout type de données non structurées en données quantitatives. Et elle va nous aider à accélérer la production de questionnaires, en transposant en quelques secondes n’importe quel type de format, de type Word ou autre, en un script exploitable par Scroll. L’IA va également fortement assister nos développeurs dans le codage. J’ajouterais qu’elle transformera le rôle du chargé d’études, qui pourra largement s’appuyer sur elle pour concevoir les dispositifs, et aussi pour analyser et synthétiser les informations. À titre d’exemple, nous déployons déjà des questionnaires « conversationnels » qui sont pilotés par l’IA : l’IA décide des questions à poser à partir des consignes données par le chargé d’études à travers un prompt.

Il y a néanmoins un risque, celui que certaines missions soient prises en charge directement par l’IA, sans passer par l’enquête. Mais si l’on continue à se poser la bonne question, celle de savoir où sera notre valeur ajoutée demain, je suis persuadé que l’on peut tirer parti de l’IA plutôt que de subir les évolutions.

Si l’on continue à se poser la bonne question, celle de savoir où sera notre valeur ajoutée demain, je suis persuadé que l’on peut tirer parti de l’IA plutôt que de subir les évolutions.

Un autre des faits majeurs est que la donnée est devenue centrale : le questionnaire n’est plus qu’un mode de recueil parmi d’autres. Il y a donc un enjeu clé, qui consiste à rapprocher toutes les sources pour produire des analyses toujours plus riches en enseignements.

Dans ce contexte, quelles sont vos priorités stratégiques ? Quelle est l’ambition de GIDE ?

Une de nos grandes priorités est de ne pas nous enfermer dans le périmètre du questionnaire. C’est donc un impératif pour nous de continuer à innover autour de la donnée, à anticiper les évolutions, et d’intégrer l’IA intelligemment.

Une de nos grandes priorités est de ne pas nous enfermer dans le périmètre du questionnaire. C’est donc un impératif pour nous de continuer à innover autour de la donnée, à anticiper les évolutions, et d’intégrer l’IA intelligemment.

Notre ambition ? Continuer à être (pour 30 ans, au moins !) un partenaire de référence pour tous les acteurs des études. Ce que nous faisons très bien depuis longtemps pour le market research en France, on devrait aussi pouvoir le faire à l’international et de plus en plus pour la statistique publique : on y travaille déjà !


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Laurent Martin

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