# Quel devenir pour la fonction ‘Etudes’ chez l’annonceur ? Volet 2
Olivier Balima - Directeur Marché et Clients LCL

"Il existe un vrai triptyque de compétences à associer"

Olivier Balima
Directeur Marché et Clients LCL

22 Sep. 2020

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Pour Olivier Balima (LCL), les entreprises gagnantes sont celles qui adoptent un positionnement clair, se traduisant dans les actes. Et font preuve d’agilité, pour répondre aux attentes des clients en ne pensant pas à leur place. Dans ce contexte, les directions marketing ont aujourd’hui besoin d’assurer une forte synergie entre trois compétences clés : des études pour avoir la hauteur de vue nécessaire, des data analysts performants ; et l’aptitude enfin à intégrer les clients au cœur des processus de développement des offres.

MRNews : Vous occupez la fonction de Directeur Marchés et Clients de LCL. Que recouvre plus précisément votre périmètre ? Et quelles sont les ressources d’études et d’analytics sur lesquelles vous vous appuyez pour alimenter vos décisions ?

Olivier Balima (LCL) : Ma direction intègre le marketing pour la clientèle des particuliers. Et elle inclut également la communication commerciale, la banque digitale (applications mobiles, sites transactionnels), et la data avec nos équipes de data-scientists et de data-analysts. Ces dernières ont un rôle précieux pour nourrir nos réflexions et nous guider à la fois sur des enjeux opérationnels et stratégiques. Pour ce qui est des ressources « études et veille », le choix a été fait il y a quelques années d’intégrer ces compétences au sein d’une autre direction, celle de la Stratégie et de l’Innovation, afin notamment de pouvoir déployer une vision plus transverse. En travaillant avec des instituts et des consultants, en s’appuyant sur des études quantitatives et qualitatives, nos collaborateurs ont ainsi énormément contribué à alimenter la réflexion sur le positionnement de LCL, banque urbaine, ainsi que sur les attentes de nos clients vis-à-vis de leur banque. Par ailleurs, à côté de ces études mises en œuvre par la direction de la Stratégie et de l’innovation, le marketing mène ses propres projets, avec une logique beaucoup plus opérationnelle

L’organisation est donc duelle, avec un versant Etudes plus spécifiquement stratégique ; et, au marketing, un deuxième versant plus opérationnel…

Exactement. Notre organisation peut bien sûr évoluer ; c’est un sujet de réflexion qui est régulièrement en discussion. Mais on peut définir notre organisation ainsi : à ce jour, une forte complémentarité entre des composantes stratégiques, où les enjeux de branding et de positionnement sont majeurs, et des dimensions plus opérationnelles, qui portent en particulier sur les offres et la définition des parcours clients, en cohérence à la fois avec notre positionnement et avec les attentes des clients.

Et il y a une vraie complémentarité également entre ce que nous apportent les études de type « quali » ou « quanti » d’un côté, et l’exploitation des données internes de l’autre. Une vraie richesse !

Ces données internes ont-elles uniquement vocation à apporter des éclairages opérationnels ? 

Non, en effet ; c’est un aspect important des choses. Beaucoup d’enseignements provenant de l’analyse des données internes et des comportements de nos clients sont de portée opérationnelle. C’est le cas par exemple pour les problématiques de ciblage pour nos offres et les communications qui leur sont associées et, plus en amont, sur des notions d’appétence, qui sont appréhendées avec des outils de modélisation. Nos équipes sont très pointues sur ces sujets. Mais ces données peuvent aussi apporter de vrais inputs stratégiques. Par exemple sur la question du maillage de notre réseau d’agences. Celui-ci est-il adapté aux évolutions de la population française à horizon d’une vingtaine d’années ? Pour répondre à ce type de question, nous croisons nos données internes avec des sources externes comme celles de l’INSEE.

Prenons un enjeu particulier, celui de votre segmentation clients. Sur quelles données repose-t-elle aujourd’hui ?

C’est une très bonne question, tout-à-fait d’actualité qui plus est puisque nous venons tout juste de procéder à une refonte de celle-ci. La segmentation que nous utilisions jusqu’à ces derniers mois était assez classique et s’appuyait uniquement sur des données internes. Elle comportait un certain nombre de limites et ne nous permettait pas d’appréhender toutes les dimensions qui constituent le profil d’un client, au-delà des produits qu’il détient ou de ses interactions avec nous. Avec cette nouvelle segmentation, qui s’appuie majoritairement sur des données internes, mais avec des ponts précieux avec d’autres sources externes, de type socio-démographiques ou géomarketing, nous avons une connaissance beaucoup plus fine et plus pertinente de nos clients et donc de leurs attentes

Beaucoup d’entreprises éprouvent des difficultés à hybrider les différentes sources de données et d’analyse, et faire en sorte que les équipes concernées se parlent. Quel est votre regard sur ce point ?

De par mon positionnement, je fais partie de ceux qui font ce lien. Mais vous mettez le doigt sur ce que je crois être une priorité, qui est de renforcer la complémentarité entre ces différentes sources d’informations et les compétences que cela mobilise, les data-scientists d’un côté, de l’autre les spécialistes des études et de la veille. Cela fait partie des réflexions que nous avons sur notre organisation. L’idée n’étant pas de remettre en cause ce qui est fait par ailleurs en termes d’études, mais de mieux armer notre marketing, de faire en sorte que celui-ci dispose d’un prisme d’analyse solide, complémentaire à ce que les équipes en charge de la stratégie peuvent apporter. 

Dans l’idéal, quelle devrait être la mission d’une équipe « études » ? Quelles orientations souhaiteriez-vous impulser ? 

Sa mission serait de nous aider à gagner en précision et peut-être aussi en hauteur de vue dans les problématiques qui sont les nôtres, celle de l’adaptation la plus juste possible aux besoins des clients, mais également dans l’analyse de la concurrence et des tendances. 

À mon sens, il faut que nous allions plus loin dans l’appropriation et l’usage de nouvelles démarches d’intelligence marketing, en s’appuyant en particulier sur les outils du digital, ces plateformes qui permettent de travailler avec des communautés de clients, selon les principes de la co-création, et ce tout au long de la chaine de développement de nos offres. Les études au sens classique du terme seront toujours nécessaires, notamment pour vérifier, challenger nos convictions. Qu’elles ne soient pas que pure subjectivité ! L’objectivité des informations est indispensable. Mais elle n’est pas une fin en soi, encore faut-il passer à l’action et savoir comment le faire. Ces nouvelles approches que j’ai eu l’occasion d’expérimenter dans mes précédentes fonctions me semblent vraiment intéressantes pour aller vers plus de spontanéité et d’agilité.

Les entreprises demandent beaucoup de choses aux équipes dont la compétence originelle est celle des études au sens classique du terme. Intégrer les data-analytics, savoir gérer les processus de co-création… Est-ce réaliste ? 

Oui, je pense que ça l’est, en tout cas dans une société comme la nôtre. Beaucoup de grandes organisations sont confrontées à une difficulté, celle de passer de la connaissance — et plus largement de la stratégie — à l’action. Nous avons la chance chez LCL d’être dans une culture d’efficacité, avec un positionnement clair. Le stratégique et l’opérationnel sont articulés, et les équipes intègrent très bien cette composante. Même si elles sont rattachées aujourd’hui à des Directions distinctes, nous avons ces compétences qui sont celles des études classiques et celle de la data. Sans doute comme je l’évoquais il serait opportun de les faire travailler encore plus étroitement ensemble. Mais, dans ma vision, nous devons prioritairement nous renforcer sur la capacité à impliquer les clients dans les processus de développement. Nous ne devons pas penser à la place des clients, mais intégrer ceux-ci au cœur de nos process.

Je crois très fortement à la nécessité pour le marketing de s’appuyer sur ces trois compétences distinctes que sont les études, les data-analytics, et la co-création avec les clients. Et en faire en sorte que celles-ci se complètent et fonctionnent avec la meilleure synergie possible.

Certaines entreprises ont-elles valeur pour vous de modèle ou de référence sur ces principes-là ?

La réussite des GAFA est édifiante. C’est fascinant de voir jusqu’où peuvent aller ces entreprises, en utilisant fantastiquement bien les ressources du digital, avec énormément d’instantanéité et d’agilité. Et, quand je pense à la data, à ce qu’il est possible de faire avec des données aussi riches que celles dont nous disposons, je me dis que notre potentiel est colossal. Mais il faut que nous sachions l’exploiter ! C’est un énorme chantier, à la fois technique et culturel, mais le jeu en vaut la chandelle ! D’autant qu’à la différence des GAFA, nous sommes reconnus par les clients comme des « Tiers de confiance ». Ils savent que l’usage que nous faisons de leurs données se fera dans le respect le plus strict des règles relatives à la protection de la donnée.

Une dernière question enfin : si vous deviez donner un conseil à des personnes travaillant dans le domaine des études, lequel formuleriez-vous en priorité ?

Ce serait précisément d’aller dans le sens de ce triptyque, en s’appropriant l’univers de la data, et en développant leur aptitude à gérer et animer des processus de co-création. C’est ce qui correspond aujourd’hui au besoin des entreprises, et c’est certainement un enrichissement enthousiasmant pour leur fonction.


 POUR ACTION  

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