# Etudes et planning stratégique : un mariage de raison ? (volet 1)

"Une parfaite alliance"

Françoise Hernaez-Fourrier
Directrice du Planning Stratégique d'Ipsos

18 Avr. 2017

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Si le planning stratégique est un concept qui mérite parfois d’être précisé, son inclusion au sein des instituts d’études ne renvoie pas à une réalité unique. Quelle est donc celle d’un grand institut international comme Ipsos ? Comment se définit la vocation du planning stratégique chez cet institut ? Selon quel schéma économique ? Pour quels sujets, quels clients et quels bénéfices ? Françoise Hernaez Fourrier, Directrice du Planning Stratégique d’Ipsos, nous fait partager sa vision sur ces points.

MRNews : Vous dirigez aujourd’hui l’entité Planning Stratégique d’Ipsos. Pourriez-vous résumer le parcours qui vous a mené à cette fonction ?

Françoise Hernaez Fourrier (Ipsos) : J’ai une double formation, avec un DEA de linguistique et un DESS de Sciences Politiques. A l’issue de celle-ci, je n’étais pas très attirée par la perspective de faire de la recherche ; et j’ai eu l’intuition qu’il pouvait y avoir une utilisation très intéressante de mon cœur d’expertise — la sémiologie — dans les agences de communication. C’est donc la voie que j’ai choisie, en travaillant d’abord pour une petite agence, puis chez Publicis. Puis une rencontre m’a permis de prendre conscience de l’intérêt qu’il pouvait y avoir à faire vivre cette fonction de planning stratégique dans l’univers des études marketing, pour l’articuler avec les compétences propres à celui-ci. C’est ce qui m’a amené à rejoindre le groupe Kantar TNS-Sofres dans un premier temps, puis Ipsos.

Comment pourrait-on définir en quelques lignes ce qu’est la vocation du planning stratégique au sein d’un institut d’études ?

Le planning stratégique est indissociable d’un travail de veille sur les marchés, lequel se nourrit d’un très grand nombre d’études. Cette veille se décline chez nous selon ces 3 composantes clés que sont l’innovation, la communication et le digital, qui croisent les secteurs d’activité sur lesquels nous intervenons : le luxe, la distribution, l’alimentaire, la banque et l’assurance, l’automobile, l’énergie, et ce à l’échelle internationale. Cela correspond ainsi à un défrichage qui s’effectue tout au long de l’année, en continu, et qui se matérialise sous la forme d’observatoires. C’est ce travail qui nous permet d’intervenir dès que se déclenchent des projets d’études, à un moment clé qui est celui de la bonne contextualisation de la problématique, notre valeur ajoutée consistant à faire en sorte que l’on se pose les meilleures questions possibles compte tenu des spécificités de l’univers à investiguer. Ou bien aussi en aval, par l’analyse de contenus, notamment la sémio de contenus. Mais dans un cas comme dans l’autre, il s’agit bien de s’articuler avec les dispositifs d’études pour en tirer la plus forte valeur d’éclairage possible.

Qui sont vos clients ? Et sur quels types de sujets intervenez-vous ?

Une partie des demandes proviennent des grandes entités d’Ipsos, mais elles émanent aussi de notre propre réseau et des entreprises avec lesquelles nous sommes en contact direct. Nous intervenons sur des études « atypiques », souvent, pour notre faculté à repenser les outils d’études pour en tirer des enseignements plus globaux. Je pense aux neurosciences, aux semio UX, au trade-off…

Nous sommes fortement sollicités sur des enjeux de marque, avec les problématiques classiques de positionnement et de territoire d’expression. Et bien sûr sur les enjeux d’innovation, plus particulièrement sur le volet stratégique. Au croisement de ces deux enjeux clés, il y a naturellement beaucoup de questions qui relèvent de la bonne connaissance des cibles.

Par ailleurs, nous apportons également notre expertise à des équipes qui réalisent de grandes études, dont le savoir-faire méthodologique est extrêmement conséquent mais qui ne se sentent pas forcément à l’aise sur l’exercice de la communication, pour lequel nous disposons du bon background. Nous le mettons donc à leur service.

Vous est-il possible d’évoquer des exemples de chantiers sur lesquels vous intervenez, à titre illustratif ?

Nous travaillons par exemple en ce moment sur de nouveaux concepts beauté en Asie pour une marque de skincare. On aide une autre marque à imaginer ce que pourrait être sa future saga digitale avec son agence. Ou bien encore on accompagne un acteur bancaire dans la conception d’un produit innovant en s’inspirant du travail des start-ups … Ce ne sont que des exemples parmi une grande diversité de chantiers intervenant en compléments des tracking de marque ou des tests, lorsque les équipes – chez Ipsos ou au sein de l’annonceur – rencontrent une problématique atypique et ont besoin de nouvelles perspectives.

L’idée est d’accompagner et soutenir les équipes Ipsos, par exemple en mettant en place des études exploratoires conséquentes, en trouvant les modes de financements nécessaires.

Avez-vous l’occasion de partager proactivement les outputs de cette veille que vous effectuez, sans que cela corresponde à la demande d’un client donné, interne ou externe ?

Oui, c’est ce que nous faisons en particulier dans le cadre de petits déjeuners, où nous réunissons par exemple une dizaine de personnes travaillant au sein des marques avec lesquelles nous avons déjà collaboré. Cette mécanique de partage est un aspect important de notre fonction.

Le Planning Stratégique est de plus en plus souvent présent au sein des Instituts. Est-ce qu’il n’y a pas un petit phénomène de « mode » autour de cela ?

De plus en plus d’instituts intègrent en effet cette fonction parce que cela correspond à un vrai besoin, en particulier celui de prendre un peu de hauteur par rapport aux interrogations qui se posent au quotidien. Mais votre question met le doigt sur un enjeu qui n’est absolument pas trivial de mon point de vue : celui de la place du planning stratégique dans l’institut, et de la logique économique qui va avec. Dans certains cas, le planning stratégique a d’abord et avant tout une fonction de vitrine ; il est un centre de coût. L’autre extrême consiste à le définir comme devant être un centre de profit. Nous avons pour notre part pris l’option d’une position intermédiaire, qui nous permet de ne générer que des coûts raisonnables pour la structure globale tout en ayant les moyens de travailler dans une logique d’investissement à long terme. Et nous avons fait le choix également de mettre en place une véritable équipe, alors que cette fonction est souvent représentée dans les instituts par une personnalité. Ces choix-là ne sont pas neutres.

L’équipe Planning Stratégique d’Ipsos, c’est combien de personnes ?

Je m’appuie sur une équipe de quatre personnes, dont trois seniors en charge des grands secteurs sur lesquels nous intervenons – le luxe, le food et les services – et un collaborateur plus junior qui nous aide de façon plus transversale sur les projets. La diversité des profils est forte au sein de l’équipe, avec des sociologues, des linguistes… Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec une nouvelle recrue d’Ipsos qui est une data-scientist. Cette pluridisciplinarité est un principe essentiel du planning stratégique ; il est bien sûr plus facile de faire jouer celle-ci lorsqu’on peut s’appuyer sur une équipe.

Cette fonction est également présente dans les agences de communication, et même parfois chez les annonceurs eux-mêmes… Est-ce qu’il n’y a pas le risque d’une compétition un peu stérile entre ces différents acteurs ?

Mon expérience de collaboration avec les équipes de planning stratégique des agences est très positive. Nous parlons le même langage, et nous fonctionnons de la même façon, selon ce principe de pluridisciplinarité que nous venons d’évoquer. De ce fait, nous parvenons à travailler très vite et efficacement ensemble. Pour ce qui est des annonceurs, la fonction est encore très peu répandue chez eux ; il me serait donc difficile de me prononcer, mais je n’ai pas d’a priori négatif sur la qualité de la collaboration, bien au contraire.

Quel est l’avantage spécifique néanmoins pour un annonceur à travailler avec le planning stratégique d’un institut plutôt qu’avec celui d’une agence de communication ?

Je pense que la question ne se pose que rarement ainsi pour les annonceurs. Mais je crois cependant que la grande force du planning stratégique en institut, et à fortiori dans un institut international comme Ipsos, c’est de pouvoir se nourrir d’un nombre très important d’études, alors qu’il est parfois plus compliqué d’accéder à ces informations quand on est en agence…

Enfin si l’on se projette un peu dans le temps, dans dix ans par exemple. A quoi peut-on s’attendre concernant cette fonction ?

Je crois que le sens de l’histoire est bien celui d’une alliance de plus en plus forte entre les planners stratégiques et les pôles d’expertises qui se développent en particulier autour des nouvelles méthodologies. Je pense aux data sciences par exemple. Nous évoluons dans un contexte où il y a toujours plus de données disponibles, à des coûts de plus en plus faibles quand ils ne sont pas nuls. Mais ces données ne parlent pas toutes seules. Il faut d’une part formuler les bonnes questions, ce qui est la vocation même du planning stratégique. Et savoir exploiter ces « datas » pour y répondre, ce qui suppose de disposer de compétences bien précises. Les conditions de l’alliance sont donc parfaites !


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